• Femme noire

     

     

      

     

    Femme nue, femme noire
    Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté !
    J'ai grandi à ton ombre, la douceur de tes mains bandait mes yeux.
    Et voilà qu'au coeur de l'Eté et de Midi,Je te découvre,
    Terre promise, du haut d'un haut col calciné
    Et ta beauté me foudroie en plein coeur, comme l'éclair d'un aigle.

     

     Femme nue, femme obscure
    Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais lyrique ma bouche
    Savane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d'Est
    Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur
    Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l'Aimée.

      

    Femme noire, femme obscure
    Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l'athlète, aux flancs des princes du Mali
    Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau.
    Délices des jeux de l'Esprit, les reflets de l'or ronge ta peau qui se moire
    A l'ombre de ta chevelure, s'éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.


    Femme nue, femme noire
    Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l'Eternel
    Avant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie.

     

    Léopold Sédar Senghor

     

     

     


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  • Etre ou Paraître

    Dans notre monde, il n'est pas facile d'être soi-même,
    à découvert, en se montrant tel qu'on est.
    Souvent la vie semble nous obliger à cacher
    notre vrai visage derrière un masque.

    Souvent on a l'impression que tout ce qui
    est en nous : nos sentiments, la pureté du regard,
    un geste d'amour, de tendresse, comme notre
    délicatesse et notre sensibilité,
    est considérée comme une faiblesse.

    Souvent on a même tendance à se culpabiliser
    d'être à tel point naïf et enfantin.
    Alors pour se protéger, on se crée des masques,
    qui présentent des attitudes différentes.

    Ainsi on se montre : fort, insensible,
    cynique s'il le faut ou indifférent, souvent ironique.
    cachant scrupuleusement les sentiments
    par peur de paraître ridicule!

    On agit ainsi, pensant “se faire accepter plus facilement
    par les autres”. Pourtant en agissant de cette façon,
    on fausse complètement les relations avec les autres, qui,
    eux, se cachent peut-être aussi comme nous pour “survivre”.

    Dans cet état de choses on comprend combien il peut être
    difficile à un jeune d'approcher en tel monde, qui par son
    apparence extérieure peut l'épouvanter et lui faire peur.
    L'absurdité de cette situation est qu'en cachant notre vraie
    nature on se force à paraître ce que l'on est pas, au lieu de
    transparaître
    ce qui est beau en nous, ce qui est nous.

    Mais rassurons-nous ! Derrière ces masques,
    il n'est pas rare de trouver des cœurs qui battent
    et qui sont purs et vrais.

    Pour nous sensibles, timides, le masque peut
    être utile un moment, avant de comprendre notre vraie
    beauté et cesser d'avoir peur. Un jour, nous choisirons
    de vivre pleinement ce que nous sommes en vérité.
    Cela peut être l'une de nos plus grandes victoires.

    “L'important n'est pas de paraître, mais d’être”.

     

     


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  • Colchique

      

    Colchiques dans les prés fleurissent, fleurissent,
    Colchiques dans les prés : c'est la fin de l'été.

     

    La feuille d'automne emportée par le vent
    En ronde monotone tombe en tourbillonnant.

     

    Châtaignes dans les bois se fendent, se fendent,
    Châtaignes dans les bois se fendent sous les pas.

     

    La feuille d'automne emportée par le vent
    En ronde monotone tombe en tourbillonnant.

     

    Nuages dans le ciel s'étirent, s'étirent,
    Nuages dans le ciel s'étirent comme une aile.

     

    La feuille d'automne emportée par le vent
    En ronde monotone tombe en tourbillonnant.

     

    Et ce chant dans mon coeur murmure, murmure,
    Et ce chant dans mon coeur appelle le bonheur.

     

    La feuille d'automne emportée par le vent
    En ronde monotone tombe en tourbillonnant.

     

     


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  • Le Moulin

     

    Le moulin tourne au fond du soir, très lentement,
    Sur un ciel de tristesse et de mélancolie,
    Il tourne et tourne, et sa voile, couleur de lie,
    Est triste et faible et lourde et lasse, infiniment.


    Depuis l'aube, ses bras, comme des bras de plainte,
    Se sont tendus et sont tombés ; et les voici
    Qui retombent encor, là-bas, dans l'air noirci
    Et le silence entier de la nature éteinte.


    Un jour souffrant d'hiver sur les hameaux s'endort,
    Les nuages sont las de leurs voyages sombres,
    Et le long des taillis qui ramassent leurs ombres,
    Les ornières s'en vont vers un horizon mort.


    Autour d'un vieil étang, quelques huttes de hêtre
    Très misérablement sont assises en rond ;
    Une lampe de cuivre éclaire leur plafond
    Et glisse une lueur aux coins de leur fenêtre.


    Et dans la plaine immense, au bord du flot dormeur,
    Ces torpides maisons, sous le ciel bas, regardent,
    Avec les yeux fendus de leurs vitres hagardes,
    Le vieux moulin qui tourne et, las, qui tourne et meurt.

     

    Émile Verhaeren

     

      


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  • Rêves d’Automne

     

    Salut ! bois couronnés d'un reste de verdure !
    Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
    Salut, derniers beaux jours ! le deuil de la nature
    Convient à la douleur et plaît à mes regards !

     

    Je suis d'un pas rêveur le sentier solitaire,
    J'aime à revoir encore, pour la dernière fois,
    Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
    Perce à peine à mes pieds l'obscurité des bois !

     

    Oui, dans ces jours d'automne où la nature expire,
    A ses regards voilés, je trouve plus d'attraits,
    C'est l'adieu d'un ami, c'est le dernier sourire
    Des lèvres que la mort va fermer pour jamais !

     

    Ainsi, prêt à quitter l'horizon de la vie,
    Pleurant de mes longs jours l'espoir évanoui
    Je me retourne encore et d'un regard d'envie
    Je contemple ses biens dont je n'ai pas joui !

     

    Peut-être l'avenir me gardait-il encore
    Un retour de bonheur dont l'espoir est perdu ?
    Peut-être dans la foule, une âme que j'ignore
    Aurait compris mon âme et m'aurait répondu ? ...

    La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphyr ;
    A la vie, au soleil, ce sont là mes adieux ;
    Moi, je meurs et mon âme au moment qu'elle expire,
    S'exhale comme un son triste et mélodieux.

    Alphonse de Lamartine

     

      


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